L’histoire de l’égyptienne Sisa Abu Daooh nous montre comment une mère peut sacrifier sa vie pour son enfant. Pendant 43 ans, cette femme a été obligée de porter des vêtements d’homme pour trouver du travail et nourrir sa fille. En 2015, elle a été décorée par le président Sissi. Le gouvernement d’Egypte lui a décerné le prix de la «maternité idéale».
Sisa Abu Daooh s’est mariée à l’age de 16 ans, mais son mari est mort quand elle étais enceinte de six mois. Âgée de 21 ans, elle refuse de se remarier ou de vivre de la charité, comme le voudrait la tradition. Elle pensait qu’ainsi elle trahirait sa fille. Déterminée et indépendante, elle décide de travailler pour subvenir aux besoins de sa fille. Ne sachant ni lire ni écrire, peu de choix s’offrent à elle dans une Égypte où le partage des rôles traditionnels est bien ancré, notamment dans les villages de Haute-Égypte, d’où elle est originaire. Issue d’un milieu conservateur, elle craint les critiques mais aussi le harcèlement sexuel, très fréquent en Égypte.
La jeune femme prend alors une décision radicale : se déguiser en homme. Les cheveux rasés et une « galabeya » – la tenue traditionnelle masculine – enfilée, elle travaille pendant des années dans la construction, la confection de briques ou encore dans les champs. Elle privilégie les villages où personne ne la connaît. Elle cirait aussi les chaussures des clients à la gare. C’est ce qu’elle fait maintenant. Pour une journée de travail Daooh gagne environ 10 livres, ce qui est moins d’un dollar.
Pendant tout ce temps la fille de notre héroïne a été élevée par sa grand-mère. La jeune fille a laissé l’école et, à l’instar de sa mère, s’est dépéchée à se marier, ayant réussi à donner naissance à cinq enfants. Son mari ne peut pas travailler, car il est gravement malade, alors Sisa doit maintenant soutenir toute la grande famille de sa fille. Chaque matin elle se lève à 6 heures et se rend à la gare pour cirer les chaussures des gens.
Pendant très longtemps, les voisins n’avaient aucun doute que Daooh était une femme, mais certains l’ont vraiment deviné. Quand la vérité a été révélée, tout le monde a commencé à harceler Sisa. La pauvre a dû quitter Louxor pour deux ans. Cependant, ces circonstances désagréables ne lui ont pas cassé le moral. Elle avoue qu’elle n’a jamais pleuré même si des fois ça a été vraiement très dur pour elle. Sisa a même pu faire construire sa propre maison.
Au final, elle impose le respect, les gens comprennent que c’est avant tout un moyen de « survie ». Depuis quelques années, fatiguée et affaiblie, elle cire des chaussures près de la gare de Louxor. La brosse à la main, elle confie : « J’ai fait tout ça pour ma fille. Si c’était un garçon, je ne l’aurais pas fait. Mais j’avais peur qu’elle finisse dans la rue. Alors je l’ai protégée, je l’ai élevée et j’ai pu l’envoyer à l’école jusqu’à ce qu’elle se marie. »
Il y a quelques mois, des journalistes égyptiens découvrent son incroyable histoire et sortent Sisa de l’anonymat. Peu après, le gouvernorat de Louxor lui offre un kiosque à proximité de la station d’autobus où elle vend friandises et cigarettes entre deux cirages de « pompes ».